Suite au Salon des Entrepreneurs ayant eu lieu la semaine dernière, je me suis posé quelques questions par rapport à des données chiffrées et mon ressenti du terrain.
En 2005, quelques 333 000 entreprises nouvelles ont été créées et près de 360 000 en 2006. Jamais les scores n’ont été aussi élevés !
Les politiques en place crient victoire, mais que se cache-t-il derrière ces chiffres inversement proportionnels à ceux du chômage ?
Beaucoup disent que les chiffres du chômage sont truqués alors que personne ne discute ceux des créations d’entreprise. C’est bizarre mais c’est comme ça !
Je pense qu’une partie de l’interprétation vient d’abord des mots utilisés. On ne devrait pas parler de création d’entreprise car une très grosse partie d’entre elles ne restera qu’avec un seul individu.
Certes, une entreprise commence à une personne, mais est-ce vraiment une entreprise dans le sens commun du terme? Il serait plus intéressant de dire qu’un emploi a été créé par un solo.
La majorité de ces solos sont des personnes dont personne ne veut en tant qu’ employé. Alors vouloir faire croire que le dynamisme entrepreneurial français se réveille et que les entreprises embauchent des chômeurs pour cause de croissance est une vue de l’esprit très bien utilisée par nos politiques.
En fait, ce pauvre gars au bout de ses allocations d’assedic, se lance à la mer en croyant que les institutions seront avec lui grâce à toutes les aides dont il bénéficiera dès le départ.
A coup de rabais par-ci, par-là et de statut particulier, le nouvel entrepreneur imbibé de liberté, d’autonomie et d’indépendance, va découvrir que progressivement le décor va changer.
De statut « d’entre-preneur » il sera « pris entre » les fourches caudines des lois et codes divers dont des fonctionnaires zélés feront usage. Il ne lui restera plus qu’à mourir ou tenir.
Les plus faibles en courage, compétence ou assise financière, se feront laminer en deux ans, trois procédures. Et puis les autres, ceux qui ont décidé de tenir, vont tout simplement fuir vers l’avant.
Quelques débrouillards et chanceux sortiront du lot, mais ils resteront rares car le cap des 5 ans est loin. Pour les autres, l’enfer du parcours les marquera suffisamment pour convaincre leurs enfants d’entrer dans la fonction publique.
Le tableau semble noir mais, en fait, il représente une réalité que nombre d’entrepreneurs vivent au quotidien, mais leur fierté les oblige à ne regarder que le côté positif tout en se disant que ce n’est que dans la forge que le fer se bat chaud.
N’est pas entrepreneur qui veut. Seuls ceux qui ont les tripes pour cela y arriveront. Plusieurs indices permettent de limiter la casse :
1 – La nature du feedback
A force de parler de votre projet à tous et avec un certain enthousiasme, vous perdez de votre lucidité quant à la véritable opportunité de votre idée. Votre enthousiasme peut écraser la discussion et vos interlocuteurs ne vous disent pas vraiment toute la vérité par peur d’être désagréable ou tout simplement des rabat-joie. Il vous faut trouver un contre-pouvoir sain et qui n’a rien à faire de votre susceptibilité. La vérité peut faire mal mais cela sera toujours moins fort et moins traumatisant qu’un échec que vous ressasserez toute votre vie ou pouvant porter préjudice à vos prochaines tentatives.
2 – La nature de votre projet
Au fil du temps, votre projet vous semblera de plus en plus faisable. Est-ce parce que vous en avez fait le tour grâce à des études de marché, des débats contradictoires et une réelle connaissance des concurrents et de vos forces respectives ou est-ce parce qu’à force d’en parler il commence à vous sembler banal au point qu’il apparaisse faisable sans efforts particuliers ?
3 – La nature de votre enthousiasme
Qu’est-ce qui vous pousse véritablement à mettre en œuvre votre projet ?
Pas de boulot, besoin d’indépendance, envie d’argent, envie d’en montrer aux autres, vous prouver à vous-même que vous en êtes capable ? Ne vous mentez pas , soyez franc par rapport à vous-même et soyez clair : pourquoi allez -vous au feu ? Sinon le feu vous dévorera là où vous ne vous y attendez pas.
4 – La nature de votre force véritable
Votre pugnacité dépendra de vos valeurs, alors ayez-en quelques-unes, des vraies, celles qui vous viennent du cœur et des tripes. Sans valeurs fondamentales, vous serez comme neige au soleil en période de redoux. Il faut que vos interlocuteurs, qu’ils soient banquiers, prospects, clients ou fournisseurs, sentent que vous avez une « densité » sinon le lien de confiance va s’étioler comme la rivière de montagne après la fonte des neiges.
5 – La nature de l’environnement
Si votre projet implique de travailler avec vos proches, sachez que le terrain sera non seulement miné mais sera aussi un marécage à brumes éternelles. Ces proches, ces « snippers » malgré eux avec leur bienveillance pleine d’amour et d’intégrité, vous tireront dessus avec des balles creuses pleines d’émotions, de colères et de non-dit.
Personne n’aime le changement, surtout quand on les a amenés à des situations qu’ils ne voulaient pas. Les coups fusent toujours au mauvais moment, au mauvais endroit. Si vous réussissez, ils vous acclameront et essaieront de se positionner favorablement. Dans le cas contraire, ce seront vos pires ennemis car ils connaissent tout de vous, de vos faiblesses et ils appuieront avec plaisir là où ça fait mal.
Au départ, c’est une aventure à la Christophe Colomb mais cela peut tourner très vite et très mal quand l’objectif n’est pas atteint dans les temps prévus. Or, qui peut prétendre connaître la direction des vents, leur force et la hauteur des vagues ? Qui peut savoir combien de temps il mettra pour arriver dans un port normalement connu. Colomb pensait arriver en Inde…
Des entrepreneurs dans l’âme, il y en aura toujours mais tous ne s’appellent pas Colomb ou Thomas Cook. Alors, avant de vouloir conquérir le monde et vous en mettre plein les fouilles, sachez que vous recevrez avant votre quota « d’emmerdes », d’embrouilles et de peurs avant de savourer le fruit de votre voyage.
L’expérience a montré que les plus résistants étaient ceux qui avaient, ancrées en eux, au plus profond d’eux, des valeurs spirituelles car quand vous êtes à poil sur une planche à la dérive au milieu de nulle part seule votre foi sera votre fidèle compagne.
Laurent DUREAU
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 6 février 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 3 mars 2012.