Des fois, je me plais à rêver d’un autre monde, d’une autre façon de travailler, d’une autre manière d’aborder la vie de tous les jours et puis, inlassablement, un espèce de quotidien me rappelle à l’ordre.
J’essaie de me renouveler, de faire place au nouveau, d’accueillir l’inconnu, d’apprendre de nouvelles choses utiles, inutiles, fantasques mais la réalité binaire d’un monde plutôt lourd me rattrape.
Je ressens la légèreté de l’être mais la densité du corps me plombe. Je voudrais tant ressentir de nouveau ce plaisir de l’oeuvre finie, ce moment où l’on contemple le résultat de tant d’efforts, de tant d’imagination et de détermination.
Aujourd’hui, le monde dans sa marche de soi-disant progrès a augmenté la cadence et rétrécit le temps du recul où l’on pouvait méditer sur nos erreurs et nos forces. Nez dans le guidon, le recul se fait de plus en plus rare.
Où va-t-on ? Dans le mur diront beaucoup, mais quel mur oserais-je demander ? Le mur de la folie, le mur de la destruction, le mur de la honte, le mur de l’isolement, le mur de l’égoïsme, le mur de la séparation, pour peut être atteindre le mur des lamentations.
Je ne suis pas vieux, mais plus tout à fait jeune, et je me rappelle quand je prenais ces moments de recul qui me permettaient d’avoir une vision plus aérienne de mes combats dans cette matière si lourde.
Je me rappelle ces larmes qui ont coulé malgré moi sur mes joues pour s’engouffrer dans ma barbe. Souvent c’était des larmes de joie, des larmes de contentement, des larmes où s’exprimait le contentement de l’oeuvre accomplie.
Combien de fois ma gorge s’est-elle serrée dans ces moments-là ? Combien de fois l’accomplissement m’a-t-il étreint si fort. Combien de fois ai-je pleuré d’avoir pu réaliser ce que j’avais pensé irréalisable.
Oui, bien des fois j’ai béni le Ciel et la Terre pour toutes ces choses qui me semblaient importantes et dont le monde bien souvent ignorait l’existence. Oui, je l’avoue, ce sont ces moments qui ont su me donner le courage de me relever et de continuer à vouloir faire plus, faire mieux.
Les évènements n’étaient pas toujours favorables à mes projets, mais je savais que c’était la substance même du pourquoi de mes efforts. Devenir plus grand, plus fort, mais aussi plus mûr, plus sage et plus en paix.
Combien de fois ai-je pestiféré contre toutes et tous ? Combien de fois ai-je maudit le merdier dans lequel je m’étais mis ? Combien de fois ai-je fustigé la table des lois ? Oui, quelquefois j’en ai eu vraiment marre, mais au fond de moi, une petite voix me disait « Sois en Paix et la Vérité tu verras ».
Alors, avec le temps, j’ai compris que l’enfant que j’étais et qui poussait ses colères dans son bac à sable parce que son château de sable ne tenait pas debout, manquait un peu de recul. Et puis, comme par magie, la solution apparaissait simplement, là sous mes yeux à portée de main.
Alors tout au long de ma vie, j’ai appris qu’au moment le plus noir il y a toujours de la lumière à portée de main. De l’allumette, la lampe de poche à l’interrupteur, il y a toujours une solution qui vous attend, mais pour cela il faut savoir prendre du recul.
Le premier recul à prendre est d’abord physique. Changer d’air, de lieu, de culture, de pays est le premier pas. Cela vous aidera à prendre celui du second recul qui est celui de l’émotionnel pour enfin atteindre l’intellectuel.
Si, après cela, le problème résiste, alors vous saurez qu’il vous faudra remettre en cause votre plan spirituel, là où reposent vos valeurs fondamentales, votre éthique et votre étincelle de vie. Dans ces périodes d’introspection et de remise en cause se cachent les miracles.
C’est à ces moments précis que vous saurez quelle est votre légende intérieure, quel est votre destin, ou plutôt quels sont les épreuves qui vous permettront d’accomplir ce que vous êtes véritablement venu faire ou expérimenter.
L’être humain est un bourgeon qui ne demande qu’à éclore afin de découvrir qui il est véritablement. Ainsi il pourra faire bénéficier l’arbre qui le porte de toute sa force et de toute son âme. De bourgeon il deviendra une feuille pleine de vigueur, ouverte au monde et sachant ce qu’il doit faire.
Par la chaleur du sentiment, le soleil de la connaissance, il communiquera sa sève à l’arbre qui l’a nourri et qui le porte à bout de branche. Balloté par les vents du changement, il reste solidement accroché jusqu’au jour où, ayant accompli sa mission, il décrochera pour connaître la légèreté de l’être pour enfin rejoindre ses ancêtres au pied de l’arbre qui l’a vu naître.
Chacun de nous a reçu la force de ses ancêtres et il en est ainsi depuis l’aube des temps. Or, ce que je vois aujourd’hui est que chaque feuille qui tombe, tombe sur un trottoir ou une voie de circulation goudronnée. Puis elle est ensuite ramassée mécaniquement pour être jetée sur un tas où elle pourrira pour le bénéfice de personne.
C’est pourquoi je me pose encore la question comment les arbres des villes ont-ils encore la force de grandir alors que la terre où ils puisent leur force n’est plus du tout alimentée en matières fertilisantes.
Où sont nos vieux, où sont nos ancêtres, où sont nos sagesses ? Le monde court à sa perte. Nous le savons tous, alors pourquoi continuer ? L’arbre de l’humanité est en train de s’appauvrir et la Terre est à bout de souffle. Comment pouvons-nous encore croire qu’un satellite ou un téléphone portable puisse nous faire vivre mieux quand on ne dit plus bonjour à ses voisins de palier.
Les gens n’ont plus de recul car le système mis en place ne leur permet plus le recul. Alors je m’interroge sur la validité des villes bétons, des villes-champignons, des quartiers résidentiels champignons qui goudronnent partout.
Pour moi, aujourd’hui la croissance économique se fait au détriment de la croissance humaine. L’humain s’appauvrit car son relationnel s’appauvrit. Cela commence par lui-même pour enfin s’étendre à tous.
Alors oui, je regrette ces temps passés où je pouvais regarder avec calme et sérénité si je pouvais être fier de ce que j’avais fait. Mes larmes se font plus rares, ma désertification intérieure gagne du terrain et mon château de sable dans mon bac à sable commence à s’effondrer par manque d’eau, par manque de relations véritables.
Dans mon village natal, il y avait obligation de dire bonjour à tous, qu’ils soient villageois ou étrangers. Sinon dans les 24h, tout le monde savait que vous aviez fauté et cela relevait presque du conseil municipal et de la confesse auprès du curé.
Aujourd’hui, c’est l’inverse. Quand je souris et que je dis bonjour à quelqu’un dans la rue, d’abord il me regarde étonné, surpris avec une méfiance non dissimulée. Si c’est une femme, le silence et la méfiance sont encore plus forts, mais si c’est auprès d’un enfant, alors je frôle le délit de pédophilie.
Par contre, au bonheur, si c’est un étranger, un immigré, un pauvre, alors leurs visages s’ouvrent comme si j’étais un ange descendu du ciel. Je les remercie tous car sans eux je ne pourrais me rappeler qu’être humain, c’est d’abord être un être sensible, ouvert à autrui et pouvant jouir du plaisir d’un sourire donné de tout son coeur avant même que le mental ne comprenne ce qui se passe.
Laurent DUREAU
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 10 avril 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 25 avril 2012.
(1 commentaire)
joyce
14 mars 2013 à 19 h 51 min (UTC 2) Lier vers ce commentaire
Les gens recommencent à sourire en 2013 , et ne sont plus trop surpris , mais il est vrai que c’est tristounet de ne pas pouvoir sourire sans être traitée de folle ou d' »emmerdeuse » . G ardons le sourire et transmettons notre joie ,coute que coute . Il faut encore un peu de patience et persévérance …. Surtout ne plus se croire étranger nous-même , même si nous sommes « en voyage interstellaire » …Mille tendresses à Laurent qui est en « voyage intérieur » en ce moment