Nous avons tous un rapport personnel avec l’argent. Pour certains il est rare, pour d’autres il est sale, mais dans tous les cas il ne laisse pas indifférent. Notre relation avec ces bouts de papiers, de métal, voire de simples chiffres sur un relevé bancaire modifient notre art de vivre et comment nous voyons et interprétons le monde.
Cette vision se fait tout particulièrement sentir quand nous devenons un entrepreneur dans les faits. Pour la quasi-majorité des cas, l’argent sera le principal souci pour pouvoir développer son activité permettant ainsi de concrétiser ce qui nous tient à coeur.
L’argent est une énergie dont nous avons tous besoin pour avancer dans la vie et il est très clair que notre façon de le considérer influencera notablement le développement de l’entreprise et in fine notre propre développement personnel.
L’argent possède aussi une relation étroite avec celle du temps. Souvent, aux extrêmes, le rapport est inversement proportionnel : Quand nous avons beaucoup de temps nous sommes fauchés et quand l’argent n’est plus un problème nous manquons de temps pour en profiter. Il existe une zone « centrale » où un équilibre temps/argent semble s’équilibrer.
Et puis l’argent possède aussi une relation avec nos propres compétences et qualifications. Autodidacte par nécessité, j’ai véritablement expérimenté cette relation.
Quand je n’avais qu’un BEP en poche à 18 ans, le smic était mon mensuel puis, bien des années plus tard, une fois retourné à l’école avec un bac+2 à 27 ans, je gagnais le smic tous les quinze jours. Puis à 40 ans avec un bac+6, le smic correspondait globalement à une journée de travail effectif en tant que consultant.
En effet, à l’usage, j’ai découvert qu’il existait une équation qui globalement se résumait à cela : Argent collecté = Temps passé x Compétences & Qualifications acquises.
Mise sous une autre forme cela donne : Richesse matérielle = Temps passé x Richesse intérieure. Il est évident que cette règle ne prend pas en compte les jeux de hasard comme le loto ou tous les trucs à gratter ainsi que les malversations corruptives pour gens pressés.
Passant périodiquement de l’état de financièrement bien portant à celui de fauché, il semblerait que mon expérimentation entrepreneuriale suive une sorte de courbe d’apprentissage qui fait que plus j’avance et plus les valeurs extrêmes se font importantes.
Ma courbe de richesse matérielle suit une sinusoïdale qui tous les 7-8 ans me fait changer de banquier. Quand tout va mal, voire même très mal, mon banquier me pousse dehors de toutes les manières possibles et puis une fois dehors un nouveau banquier m’ouvre les bras très grands car il sent qu’il va faire du business avec moi.
C’est devenu une constante pour moi. A chaque lancement d’une nouvelle société, je change de banquier. La remise à zéro de ma richesse matérielle correspondrait aussi à la remise à zéro des relations que j’entretiens avec le banquier.
En effet, au fil du temps et des expériences, j’ai dégagé une certaine aisance à manipuler des chiffres de plus en plus gros sans que cela me donne la chair de poule. L’expérience m’a démontré que la peur éprouvée lors d’une prise de risque est identique, quel que soit le montant numéraire du risque.
Lors de ma première entreprise, mon premier découvert bancaire de 1.000 FF m’empêcha réellement de dormir jusqu’à temps que je m’y fasse. Cette même angoisse se reproduisit à 10.000 FF puis à 100.000 FF et puis l’euro arriva ! Ouf, cela m’a fait du bien car soudainement les chiffres se sont rétrécis.
Cela n’a en rien diminué les risques mais psychologiquement, il y a des passages qui font que l’on en prenne une certaine conscience. En tant qu’entrepreneur, cela veut dire des risques sur mes finances personnelles, car dans le cadre d’une entreprise où je serais le manager, parler et jouer avec des millions d’euros (non pas de CA mais de dettes) ne me fait plus grand chose en termes de frémissements négatifs.
En revenant au sujet principal, ma richesse en termes d’expérience et de maturité semble suivre une courbe sinusoïdale déphasée avec celle de la richesse matérielle. C’est-à-dire quand l’argent se fait rare j’engrange beaucoup d’expérience, alors que quand il est abondant une certaine forme de facilité ramollit ma capacité à découvrir mes limites intérieures.
Voilà ce qui me fait dire que les difficultés financières d’un entrepreneur sont indissociables de l’état d’apprenant d’un entrepreneur. Il ne pourra devenir un bon entrepreneur, et donc un bon patron, que s’il connaît la frustration du manque d’argent pour assouvir son rêve.
Un entrepreneur riche risquera en fonction de ses richesses matérielles. Voici pourquoi ma courbe d’expérience est sinusoïdale : je remets sur la table, à chaque création, la totalité de mes biens personnels. Car je sais que si je me préserve un volant de sécurité, ma hardiesse au combat sera amoindrie et que, de ce fait, je ne taquinerai pas mes nouvelles limites.
Le tout ou rien semble être une logique de mercenaire mais pour moi elle correspond à une volonté de découvrir qui je suis véritablement et chaque jour m’apporte une récompense que je réaliserai et comprendrai plus tard.
La vie est un risque, alors je risque tout ce que je possède à chaque fois. Comme cela, quand je suis en grande difficulté, le banquier sait qu’il ne peut rien me prendre. Il en résulte qu’il perdra son pouvoir d’intimidation et s’assoira plus facilement autour de la table de négociation en bon gentleman soucieux des intérêts mutuels.
Autre avantage majeur, puisque je n’ai plus rien, la peur de perdre quelque chose est absente et, à ce titre, mon équilibre intérieur s’en trouvera largement bénéficiaire. Cette assurance fera que mon cher banquier ressentira cette force tranquille et fera de réels efforts pour m’aider à faire fructifier ce qui est en moi.
Un vrai climat de confiance s’installera car il saura que je ne mens pas et qu’il a tout à y gagner. Même dans certains cas, ils remettent la main à la poche tant ils se sentent en sécurité.
La transparence et la sincérité sont les maîtres mots d’une bonne communication.
J’apprécie quand les miracles arrivent mais j’avouerais qu’il faut les provoquer un peu. Or, quand tout va bien, les miracles se font rares. Il est vrai qu’en position difficile ou très délicate, notre vision de la réalité fait que nous apprenons à dire merci avec une plus grande fréquence et avec une véritable profondeur du coeur.
A ce titre, je remercie toutes les personnes que j’ai côtoyées et qui m’ont fait confiance ainsi que tous ceux que je côtoie aujourd’hui et qui me font aussi totalement confiance. Sans eux, je ne pourrais entreprendre dans cette entreprise qu’est la découverte de moi-même.
Ils reçoivent beaucoup car ils me donnent cette attention et compréhension suffisante qui permet à tout être humain de se dépasser car il se sent en confiance et en accord avec ce qu’il est. Ainsi l’humanité s’enrichit encore plus grâce à cette différence, cette unicité qui ose prendre en main sa destinée.
Alors je prie très fort pour que chacun d’entre nous, et tout particulièrement les entrepreneurs, puisse marcher dans la voie difficile mais oh combien gratifiante d’un enfant qui veut découvrir le monde autour de lui afin de découvrir le monde merveilleux qui se tient en lui.
Laurent DUREAU
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 7 juin 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 14 avril 2012.