Suite à l’article précédent mentionnant la prise de vacances quasi-obligatoire d’un manager, j’aimerais maintenant aborder un autre domaine qui est celui de la gestion non pas du personnel mais des hommes et femmes de l’entreprise.
Il est étonnant de voir que certains chefs ou cheftaines, pour des raisons diverses et variées, se mettent à gérer l’humain comme une ressource, ou matière première au même titre que des patates pour faire des frites.
Ne me parlez pas des Ressources Humaines, car c’est effectivement et malheureusement une vision absolument matérialiste de l’intelligence humaine qui est née après le 1er choc pétrolier de 1973. Le précédent concept avait été la Gestion du Personnel née de l’après-guerre… où il fallait des Chefs du Personnel !
Quand je pense que l’année dernière, en 2007, l’ANDCP (Association Nationale Des Chefs du Personnel), s’est renommée l’ANDRH (Association Nationale Des Ressources Humaines) afin de se mettre à la page (25 ans après), c’est dire la vision qu’ils ont du monde.
Il y a déjà 10 ans, on commençait à parler de Capital Humain afin de faire prendre conscience que c’est vraiment l’intelligence du personnel de l’entreprise qui fait la valeur réelle et non la quantité de machine. Avec la globalisation, on s’en est vite rendu compte !
L’ANDCP aurait pu passer directement à l’ANDCH pour véritablement prendre le train en marche (qui, je le rappelle, est déjà parti depuis 10 ans). C’est fou comme la notion « humaine » a du mal à évoluer dans les sphères associatives…
Pour revenir à nos choux, et à ce niveau, le courage managérial serait de prendre le train en marche en affichant clairement dès le début sa véritable intention :
Gérer les humains, non plus en tant que travailleur ou de ressource corvéable et monnayable mais comme un vrai capital où il faut investir !
Nous en sommes arrivés à un tel point que nombre de managers dans les grandes entreprises ou administrations préfèrent traiter des dossiers plutôt que des personnes.
Dans le premier sens du terme « dossier », je vois celui d’un numéro de sécurité sociale que l’on gère comme on le ferait avec une machine de production. Mettez-y des révisions (les visites médicales obligatoires), ainsi que quelques pièces détachées renouvelables (les formations), et tout va bien !
Dans la seconde interprétation du mot dossier, je vois celui du manager qui gère un projet, de son avancement, de son financement et de la réalisation dans les temps impartis sans se poser la question du traitement de ceux qui font le travail.
Ce serait comme prendre pour des marionnettes, ces fameux collaborateurs dont, en fin de compte, on se fout complètement sur le plan humain. Vous pouvez imaginer l’état de motivation de ces personnes humainement rejetées.
Grand nombre de cadres, auréolés de leur statut, planquent leurs peurs et leurs incompétences derrière des techniques obsolètes et ils pensent que personne ne le voit.
L’apanage de l’instruction n’est plus un signe différenciateur suffisant pour croire que les autres (la meute, le peuple) sont des ignares en puissance auxquels il faut hurler des ordres pour se faire obéir.
Combien de manager, cadre, chef ou tout autre vocabulaire associé, n’arrêtent pas de repousser des décisions en demandant des dossiers, des informations, des réunions inutiles quand cela ne tombe pas carrément dans la procédure hyper lourde ?
Le courage managérial, c’est aussi savoir dire stop à des itérations infernales qui n’amènent plus rien sauf de l’immobilisme.
Toutes les méthodes sont bonnes comme cultiver le secret, retenir l’information ou la donner plus tard, quand ce n’est pas trop tard. On peut aussi essayer la critique sans savoir, la division pour mieux régner afin de devenir un manipulateur destructif de valeur ajoutée.
Pendant mes années de consulting, j’en ai vu de toutes les couleurs afin qu’un chef ne remplisse pas ses fonctions de chef véritablement. C’est incroyable comme la panoplie est large pour fuir une décision à prendre.
Désamorcer toutes ces complications pas toujours apparentes, c’est souvent trouver les complexes cultivés par lesdits managers ou chefs. Ces complexes sont vraiment de toutes natures comme le physique, l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la religion, l’éducation, le diplôme, la connaissance informatique, les fautes d’orthographe, l’élocution, l’intelligence, etc.
Le courage managérial, c’est aussi dire et exprimer ce que vous êtes sans complexe, sans détour afin que chacun de vos collaborateurs puisse s’organiser en conséquence.
Faire appel à une collaboratrice qui corrige vos fautes d’orthographe n’est pas forcément honteux quand on sait que les anciens faisaient taper leur courrier ! Elle en sera ravie probablement, surtout si elle vous enseigne comment vous améliorer.
Chaque faiblesse, chaque manque qui est en vous est une opportunité de progrès pour vous mais aussi de valorisation de quelqu’un qui peut vous aider. Servez-vous des ressources que vous avez autour de vous pour vous améliorer.
Personne ne vous en tiendra rigueur car personne n’est parfait ! Alors gérer vos collaborateurs comme une ressource à minima mais surtout comme des potentiels d’enrichissement réciproque.
Je vous promets que simplement les regarder sous cet angle fera qu’ils se dépasseront eux-mêmes afin de vous aider dans votre recherche d’épanouissement personnel.
L’humain est fait pour vivre en interaction avec ses semblables.
Le mot « aide-moi » est le « je t’aime » d’une relation saine mais elle se doit d’être véritablement réciproque pour être effective.
Le courage managérial, c’est tout d’abord dire aux autres que vous êtes un humain comme eux avec ses défaillances, ses humeurs, ses manques mais aussi son envie de vouloir partager le meilleur qu’il possède en lui-même pour le bien de tous.
Alors exit tous les racismes de classe, d’origine, de diplôme car l’humanité n’est riche que de la différence intelligemment vécue et non de celle imposée à des fins manipulatrices.
Laurent DUREAU
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 2 juillet 2008 et réactualisé sur le blog 345D le 29 février 2012.
Article suivant: Le courage managérial (10) – Les clichés à dépasser
Article précédent: Le courage managérial (8) – Savoir refiler les rênes du pouvoir quand nécessaire