Caparaçonné comme pas possible par des enseignements millénaires et additionné de pansements trempés par un positivisme sans faille, la larme asséchée dès sa naissance n’a pu lui couler sur la joue. Pourtant, quelque chose l’étreignit si fort qu’il ne put s’empêcher de ressentir combien il était petit face à cette chose qui ne porte pas de nom.
Bien qu’il balayât avec énergie toutes ces idées générées par cette nouvelle qu’il venait d’apprendre, son coeur ne défaillit pas mais il sentit que la chose l’avait touché au plus profond de lui-même, quelque part au milieu d’un nul part.
Cette chose, aussi furtive soit-elle, a le don d’éclairer des zones sombres. C’est comme dans les équations où le -1 avec un -1 donne un +1. C’est comme si une mauvaise nouvelle dévalant dans une procédure inconsciente révélait un circuit neuronal appartenant à la tribu de nos peurs.
Par un influx extérieur, nous nous révélons à nous-mêmes.
Cet exercice majoritairement non voulu déclenche souvent cette liqueur amère qu’est la souffrance. Cette dernière, véritable poison de la paix intérieure, est aussi puissante que le curare. Son action est rapide et très spectaculaire. En quelques minutes, elle vous transforme un bonze en un zombie connecté aux démons.
Pourtant, sans prendre le chemin des religions qui prônent la souffrance comme un nirvana pour se faire ensuite manipuler comme de vulgaires marionnettes, la souffrance n’est que le grincement entre ce qui est et ce que nous pensons être.
Ce que nous pensons être n’est qu’une approximation de ce que nous sommes véritablement. Car quand nous saurons par l’expérience, par les tripes, par le ressenti ce que nous sommes (au moins au début) alors nous ne pourrons plus insulter, injurier ou plus banalement s’engueuler avec quiconque.
En allant plus loin, nous ne pourrons même plus atteindre à la vie d’autrui, surtout concernant nos frères les animaux ainsi que le monde végétal. En ne respectant pas ce qui est autour de nous, nous ne faisons que dire : je ne m’aime pas car il y a tant de choses en moi que je ne voudrais pas et d’autres que j’aimerais bien avoir.
Le refus de notre unicité, c’est simplement dire et affirmer à notre graine d’esprit (le Soi) que nous refusons ce qu’il nous a offert pour cette vie.
Par cette attitude de rejet de ce qui est nous-même, de ce qui nous constitue, nous offrons un champ de culture immense où la souffrance se répandra à la vitesse de nos rejets.
Nous cultivons tous en nous-même des forêts entières où des créatures étranges font leurs besognes abaissant ainsi, de jour en jour, notre confiance en nous à affronter l’inconnu qui demeure à l’extérieur de nous.
Quand l’inconnue extérieure révèle l’inconnue intérieure, nous apprenons sur ce que nous sommes réellement. C’est comme un rayon lumineux qui tranche et qui fait mal à notre déité. Nous aimerions être parfaits mais nous ne croyons plus depuis longtemps que nous le sommes.
Nous aimerions être Dieu mais nous savons très bien que nous ne pourrions avoir la sagesse suffisante pour utiliser Sa puissance au bénéfice de tous. Nous préférons utiliser cette puissance créatrice pour détruire en fonction de ce que nous jugeons de bien ou de mal.
Or, notre jugement est bien faible car nous sommes des ignorants en puissance. Nous jouons avec la planète, avec les OGM ou la bombe nucléaire juste pour nous amuser, pour savoir afin de modifier notre environnement selon nos points de vue.
L’axe du mal n’existe que dans la tête de ceux qui pensent qu’ils sont dans l’axe du bien !
Et vous, quel est votre axe : Votre famille, vos biens matériels, votre pays, vos convictions religieuses ou tout simplement vous-même ?
La souffrance, c’est l’écart entre ce que vous êtes réellement et l’interprétation du monde dans lequel vous vivez. Versez quelques bonnes larmes bien chaudes sur le moment puis, par un recul suffisant, relativisez ce qui vous est arrivé.
Ne tombez pas dans le panneau de vous noyer dans vos larmes, car ces inondations intérieures font des véritables ravages comme ce qu’il se passe extérieurement aujourd’hui où l’homme, pour des raisons économiques, a bafoué les règles élémentaires de sécurité.
Ne vous laissez pas entraîner par les traditions « hurlantes et affligeantes » que s’imposent certaines femmes ou familles quand l’un de leurs membres est mort.
Laissez l’énergie s’échapper de vous d’une manière digne mais véritable. La surtension passée, vous saurez relativiser car vous savez en vous-même que vous n’avez aucun contrôle véritable sur tout ce qui se passe autour de vous.
La mécanique céleste est hors de portée de nos capacités cérébrales car nous sommes venus en ce monde pour expérimenter la matière et les émotions et non pour détourner ces lois immuables pour notre bénéfice égotique.
La souffrance, dans son essence même, est une bénédiction car elle est le signe d’une progression, d’un avancement, d’une découverte. Prise négativement, elle sera votre bourreau aussi indéfectible et aussi collante que la peau qui recouvre votre corps de chair.
Laurent DUREAU
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 02 octobre 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 24 avril 2012.