Il est courant dans l’organisation, et plus spécialement dans les processus / procédures, de rencontrer que certaines façons de faire se perpétuent d’une manière constante sans jamais être remises en question.
La force de l’habitude semble être largement plus forte que la force du changement. Une sorte de confiance due principalement à l’ancienneté fait qu’il est tabou de vouloir remettre la chose en cause. Voyons cela en commençant par un peu d’humour.
C’est l’histoire d’un jeune novice qui arrive au monastère. La tâche qui lui est assignée est d’aider les autres moines à recopier les anciens canons et règles de l’église. Il remarque que ces moines effectuent leur travail à partir de copies et non des manuscrits originaux.
Il va voir le père abbé, lui faisant remarquer que si quelqu’un a fait une petite erreur dans la première copie, elle va se propager dans toutes les copies ultérieures. Le père abbé lui répond :
– Cela fait des siècles que nous procédons ainsi, que nous copions à partir de la copie précédente, mais ta remarque est bonne, mon fils.
Le lendemain matin, le père abbé descend dans les profondeurs du sous-sol du monastère, dans une cave voûtée où sont précieusement conservés les manuscrits et parchemins originaux. Cela fait des siècles que personne n’y a mis les pieds et que les scellés des coffres sont intacts. Il y passe la journée toute entière, puis la soirée, puis la nuit, sans donner signe de vie.
Les heures passent et l’inquiétude grandit. À tel point que le jeune novice se décide à aller voir ce qui se passe. Il descend et trouve le père abbé complètement hagard, les vêtements déchirés, le front ensanglanté, se cognant sans relâche la tête contre le mur de pierres vénérables.
Le jeune moine se précipite et demande :
– Père abbé, que se passe-t-il donc ?
– « AAAAAAAAAAAHHHHHH ! Quels cons ! MAIS Quels cons !!!!!!!!!!!! C’est voeu de « charité »… pas de « chasteté » ! ! ! ! ! ! »
Outre que cette histoire peut vraiment prêter à sourire, elle contient tous les éléments nécessaires démontrant qu’une toute petite erreur peut faire des ravages dans l’état d’être du personnel de l’entreprise.
Remplacez le père abbé par le dirigeant (ou un de ses ancêtres) et le novice par le petit nouveau sorti tout frais de l’école (ou le consultant extérieur) et vous découvrirez que nos entreprises sont truffées d’actes quasi sacralisés sous le couvert de la tradition !
Toute entreprise suffisamment vieille possède dans son organisation des trucs de ce genre. Ayant vécu cela, maintes et maintes fois dans mes interventions en tant que consultant, il n’existe aucune question ou remarque idiote.
Si vous vous sentez énervé suite à une question posée, gardez votre calme et dites que vous y jetterez un œil. Puis, loin des regards et surtout par principe, faites votre petite enquête le plus discrètement possible pour ne pas enflammer les passions que pourrait provoquer votre initiative.
Ensuite, prenez la décision qui s’impose ainsi que la paire de gants la plus appropriée pour corriger le tir avec douceur afin de provoquer le moins de remous possible. En effet, si à l’image de l’abbé vous n’y allez pas par quatre chemins, il s’ensuivra une libération d’énergie et d’émotions pouvant véritablement faire de la casse.
Imaginez un peu le tsunami émotionnel créé dans l’organisation du monastère si les moines allaient tous « rattraper » leur retard. Je n’imagine pas toutes les implications comportementales et sociales, non seulement de la communauté mais aussi de leurs clients que sont les fidèles.
La tradition est une arme à double tranchant. D’un côté, elle sécurise et, d’un autre, elle est obsolète car pas forcément adaptée au contexte actuel. Dans tous les cas, elle ne doit pas être une excuse pour éviter de la remettre en cause.
Laurent DUREAU
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le11 septembre 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 14 février 2012.