Devant la généralisation du travail en mode projet, le simple salarié se voit de plus en plus confronté à travailler en groupe ou dans un mode collaboratif. Son petit train-train se voit doublé d’une remise en question du statut de son contrat de travail.
D’un côté les entreprises demandent de la flexibilité (traduite rapidement par précarité par des institutions encore coincées dans la lutte des classes) et d’un autre côté, elles se voient obligées par des contrats d’un autre âge de développer les multicompétences.
Mais jusqu’où l’employé est-il capable d’aller dans l’absorption de nouvelles compétences tout en affrontant l’incertitude grandissante et relativement imprévisible du marché de l’emploi ?
Le mode projet rime avec expertise. Mais l’expertise rime avec spécialité et donc isolement. Par votre expertise, vous serez demandé seulement si un poste est libre; or ce poste sera, par définition, limité dans le temps.
L’incertitude et l’imprévisibilité du temps passé entre chaque mission/projet va forcément mettre à mal la notion de CDI au sein des entreprises. Elles ne cherchent plus des travailleurs attitrés mais des compétences disponibles.
De ce fait, un nombre restreint de personnes pourront être assurées d’avoir un job à temps plein car elles correspondront au « coeur de métier » de l’entreprise. Mais qu’en sera-t-il pour ceux qui devront boucher les trous ?
Ce ne sera plus 90% d’employés en CDI avec 10% de CDD. On sera plutôt dans le style pour une mission donnée dans les 30%-40% de CDI, 30% de CDD et le reste sera des « consultants » extérieurs.
Il s’ensuit que les salariés seront, à terme, obligés de devenir des « entrepreneurs d’eux-mêmes » en exerçant véritablement ce qui leur tient à coeur. La formation deviendra l’élément central de leur capacité à survivre dans ce monde si changeant.
L’apprentissage, en temps plus ou moins réel fonction des demandes du marché, va devenir une norme aussi banale que les 35h. Cette marche sera difficile pour beaucoup, et surtout pour ceux qui n’auront pas les basiques comme l’utilisation de l’outil informatique.
Le multilinguisme deviendra quasiment une nécessité, d’où l’avantage d’avoir une politique d’immigration pas trop draconienne car le marché est devenu mondial. Les Chinois émigrés en France depuis quelques décades sont aujourd’hui des fers de lance prompts à l’expatriation ou tout simplement pour l’import/export.
Un salarié en CDD se devra de gérer son planning inter-mission comme un entrepreneur car son entreprise sera tout simplement lui-même. De ce fait, la culture de l’efficacité et de la performance fera progressivement s’éteindre celle du temps de présence.
Alors, entre ses moments de travail pour « la grande machine mondialisée », il cherchera à mettre en avant et à valoriser ses talents cachés. C’est entre autre pour cela que le DIF (Droit Individuel à la Formation) a été mis en place.
Par ce dispositif, il peut construire sa future employabilité mais pour cela il faut qu’il se réveille ! Depuis que le texte de loi est passé en 2004, seulement un pourcentage ridicule d’environ 2 à 3% des salariés a demandé à en bénéficier.
Cette formation tout au long de la vie n’est pas là par hasard mais pour bien en profiter, il faudrait d’abord savoir ce que vous aimeriez faire véritablement. Comme la majorité ne savent pas vraiment, je vous recommande de vous former sur les basiques que sont les langues et l’informatique.
Les nouvelles générations ne savent plus écrire sans faire une faute tous les 3 mots, leur anglais est totalement scolaire et l’utilisation des outils bureautiques courants n’est pas le fort des plus âgés. Ne parlons pas des innombrables immigrés qui n’ont pas eu la chance de s’instruire correctement.
Pour gérer l’inter-mission et vous vendre, vous devrez vous faire connaître via les réseaux, les job-boards et avoir une présence internet. Les plus calés devront faire reconnaître leur expertise via des blogs dédiés.
Bref, il va falloir apprendre à se montrer afin d’être demandé. Vous pourrez toujours passer par les boites d’intérims qui, elles, seront devenues des véritables organisations de placement et d’embauches.
C’est déjà le cas aujourd’hui mais en moins fort, car les entreprises n’embaucheront plus comme elles le faisaient par le passé. Nous sommes à un tournant et nous le savons tous et la véritable question est : quand ?
Quand allons-nous virer de l’assistanat classique à la self-entreprise ? Quel que soit le nombre de grève et tous les freins que nous mettrons pour ne pas reconnaître qu’il faudra abandonner nombre des acquis du siècle passé, la machine mondialisée continuera son chemin à son rythme, avec ou sans nous.
Avant, il y avait des générations, l’une après l’autre. Maintenant, il y a plusieurs générations en parallèle. Ensemble, nous pouvons réussir à harmoniser l’ensemble et à en tirer parti au maximum. Mais si chacun fait bande à part, les frictions engendrées ne feront qu’augmenter les exclusions réciproques.
Si moi, à 50 ans, je suis (déjà) déclaré inembaûchable par tous les DRH de France (qui ont plus ou moins mon âge), qu’en sera-t-il quand ils seront virés et remplacés par des 30-35 ans ? La maturité est le fruit d’un apprentissage et ne pas pouvoir transmettre nos cicatrices, c’est envoyer à la boucherie une jeunesse trop longtemps exclue par nos DRH bien pensants.
A cet effet un dernier sondage, démontre que les DRH disent comprendre la problématique des jeunes et des seniors mais qu’en aucun cas ils passent à l’action. Pour moi, le constat est simple : Ils protègent leurs culs en prenant le moins de risque possible sous peine de se retrouver eux-mêmes parmi les exclus !
J’ai assez de bouteille pour reconnaître les langues de bois, les ronds de jambes ainsi que beaucoup des subtilités verbales et intellectuelles dont fait preuve l’être humain. La plus grande règle qu’un être humain s’applique est celle du « moi d’abord », et la machine mondialisée ne fait qu’amplifier le phénomène.
Je les comprends ces DRH et ces patrons qui pour l’instant bénéficient encore de revenus confortables. Je sourirai avec compassion quand ils recevront ce qu’ils ont fait aux autres. Ce n’est pas de la rage ou de la vengeance qui m’anime mais seulement l’énoncé d’une autre règle fondamentale qui dit que l’on récolte ce que l’on sème.
Aujourd’hui, le tempo s’étant tellement accéléré que l’on peut presque dire que quelqu’un de son vivant vivra ce qu’il a semé. Pas besoin d’attendre une autre vie ou d’énoncer que l’on ne croit pas au karma. Il suffira simplement de constater que la loi de réciprocité est en action et que ce n’est pas du flan.
On nous cause de gouvernance, de développement durable, d’éthique. C’est super ! Alors laissons le temps au temps et nous verrons bien si ce n’était que de belles paroles car je sais que les nouvelles générations quand elles seront aux commandes feront avec énergie le nettoyage minimal pour établir cette équité que tout le monde attend.
Et puis, peut être que le machisme destructif de l’énergie masculine dans les affaires de ce monde se verra enfin rééquilibré par une énergie féminine qui aura cessé d’être discrète et aux ordres d’un chef de famille, d’un patron, d’une institution ou d’une culture.
Allez les femmes, debout ! On vous attend, non plus à la maison comme mère au foyer, mais dehors au grand jour avec toute l’énergie que l’on vous connait. Vous êtes l’espoir pour faire redécouvrir que la vie se joue en tandem et que la complémentarité n’a jamais voulu dire opposition mais plutôt fusion…
Laurent DUREAU
PS : Il est-y pas mignon ce bout de chou qui ressemble très étrangement à Bruce Willis ? Bref, celui-là ou celle-là va pas se laisser faire. Déjà trop de malice et de détermination…
Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 31 octobre 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 10 avril 2012.