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Le courage managérial (1-2) : L’indécision

indecision Nous sortons à peine des élections où chacun est attendu au tournant, la Chine fait des siennes comme d’habitude avec les Droits de l’homme, les « magouilles » financières ou de pouvoir font de plus en plus la une des journaux. Et là-dedans comment doit se comporter le chef d’entreprise ?

Coincé entre des actionnaires courts-termistes et un environnement social de plus en plus chaotique, il doit pourtant mener la barque. La boussole est en panne, la mer semble de plus en plus démontée et un parfum de mutinerie se fait sentir dans les creux de vague.

 Pour apprendre à faire face aux situations difficiles qui demandent de trancher rapidement sous peine de voir l’ensemble déraper dans un mode franchement pas contrôlable, je vous propose aujourd’hui d’aborder certaines de ces situations qui ne payent pas de mine au début mais qui se révèleront absolument décisives pour la poursuite non seulement de votre carrière mais aussi de votre bien-être.

Commençons donc par l’un des comportements qui tue littéralement vos collaborateurs. Je veux parler de l’indécision.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours possible de prendre une décision dans l’instant, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut utiliser toutes les techniques de furtivité pour vous rendre transparent à toutes et à tous.

Il est parfaitement normal de ne pas avoir réponse à tout car, souvent, il nous manque des éléments importants pour trancher. De plus, un peu de recul quelquefois n’est pas un luxe, surtout quand cela touche l’émotionnel ou l’irrationnel dont les humains sont friands.

Se faire une bonne idée de la chose pour ensuite trancher est une grande sagesse. Car l’expérience m’a montré que la célérité de la réponse provoquait parfois une catastrophe dont on se serait bien passé. Mais ce n’est qu’après que l’on sait !

Il existe en ce monde un nombre important de gens qui tranchent lourdement sans même avoir pris suffisamment (ou même un tout petit peu) le temps d’aller aux news… Généralement, cela va de pair avec des « rigides » qui relèvent du management dictatorial et avec un ton à vous glacer toute tentative de communication aimable et amiable.

Il existe même à cet effet, une technique en vogue chez les arbitres et qui font des dommages collatéraux très visibles dans les tribunes. Ayant personnellement suivi des cours pour devenir un arbitre officiel en volley-ball (c’est moins fatiguant que le foot), je n’ai pu aller jusqu’à l’examen final pour cause de désaccord sur la méthode.

En effet, lors d’un match, il faut que vous preniez une décision immédiate sur une action qui a duré moins d’une seconde et que vous avez, comme par hasard, complètement zappé. Et puis d’un seul coup, sur un point capital et tournant du match, debout sur votre perchoir, vous voyez deux équipes de part et d’autre du filet qui clament justice avec une certaine émotion et qui attendent avec impatience votre décision.

La première réaction est de regarder rapidement les arbitres de touche qui vous signalent qu’ils n’ont rien vu (c’est toujours pareil sur les points importants, ça se défile un max…). Alors vous restez là, le sifflet coincé entre les dents et l’on attend de vous une décision sûre, fiable, équitable et sans appel.

Inconfortable position (qui se reproduit assez souvent, même trop souvent), vous pouvez dans les premiers temps remettre la balle en jeu mais, très rapidement, les joueurs vont ressentir votre « mollesse » pour ensuite commencer à contester de plus en plus souvent vos décisions.

Le pugilat généralement n’est pas très loin et j’ai gentiment demandé à mes instructeurs (des vieux de la vieille) ce qu’il fallait faire à ce sujet. La réponse fût simple et sans appel : tu choisis au pif, sans tergiverser et sans prendre un temps pour réfléchir car cela dénoterait que tu pourrais avantager une équipe plutôt qu’une autre.

Cela s’appelle prendre une décision arbitraire, d’où le nom d’arbitre ! En termes de management, les situations ne sont pas aussi aigües mais quelquefois, quand 2 personnes essayent de s’étriper dans l’atelier, il faut trancher vite tout en sachant que vous n’en sortirez pas indemne car vous serez, de toute façon, dans le collimateur des 2 fautifs qui, bien sûr, ont 100% raison et pour lesquels vous commettez une injustice insultante !

L’une des composantes du courage managérial est d’accepter que, quelquefois, il nous faudra trancher alors que nous n’avons pas assez d’éléments fiables et prouvés, et puis ensuite d’en assumer les responsabilités.

Je déteste cela, mais c’est comme siffler un penalty 30 secondes avant la fin du match. Ce sont des décisions qui peuvent vous valoir des inimitiés réelles et sérieuses sans compter la tache d’encre que cela peut faire dans votre dossier professionnel.

C’est particulièrement dans ces situations que l’on verra si vous en avez dans le slip pour parler gentiment. Ces moments sont cruciaux car ils peuvent vous construire cet aspect du chef que tout le monde cherche, mais aussi vous détruire si vous n’en assurez pas la paternité.

Le courage managérial, c’est être présent au moment qu’il faut, avec l’attitude qu’il faut, tout en tranchant d’une manière souple et autoritaire, non équivoque afin de tuer dans l’œuf toute possibilité de rébellion. Et ensuite, de rester droit dans vos bottes sur le sujet tout en démontrant votre souplesse légendaire du quotidien.

Rester ferme tout en étant souple et ouvert à la communication est un exercice acrobatique, et toute personne censée faire du management devrait être passée maître en la matière. Simple à dire, mais difficile à tenir sur le long terme…

Ce n’est pas avoir le derrière entre deux chaises, mais quelquefois cela s’y apparente vraiment. Semblant être stable, la moindre pichenette dans une chaise et c’est l’ensemble qui vacille; et qui va s’écraser gentiment le coccyx sur un sol toujours trop dur ?

La prise de décision est donc cet exercice flou où on oscille entre le mou et le dur, entre l’immédiat et le reporté, le spontané et le manipulatoire et où il faut s’affirmer sans trop s’affirmer. On comprend qu’à ce niveau, cela ne s’apprend pas dans une école et que cela ne relève pas, non plus, d’une procédure « qualité ».

Par contre, les signes d’alarme concernant votre processus décisionnel peuvent prendre plusieurs formes. L’une d’elles est quand on vous demande d’écrire votre décision. Cela veut dire qu’une arnaque vous attend ou que votre style décisionnel s’apparente à celui qui retourne sa veste plus vite que le vent, ou encore qu’un certain manque de confiance se fait jour.

Une autre est que l’on vous suggère systématiquement une réunion ou qu’il faudra en débattre à la prochaine réunion. Cela indique que vous n’avez plus vraiment la cote et qu’il est préférable d’avoir plusieurs avis de personnes extérieures parce que votre processus décisionnel ne fait plus vraiment l’unanimité…

Dernier point qui n’arrangera pas les choses, c’est que pour vous le temps est un allié précieux et vous préférez laisser mourir les choses en vous disant que le temps arrangera tout. L’optimisme de cette forme de pensée, si elle devient monnaie courante, ne va pas arranger vos affaires.

En effet, jouer la montre en terme décisionnel c’est tout simplement afficher que vous êtes dépassé et qu’il vous faut du temps pour réfléchir ou pour clarifier le brouillard neuronal dans lequel vous baignez de plus en plus souvent.

La règle d’or du courage managérial concernant l’indécision est de savoir nuancer ce qui relève soit de l’autorité, soit de la réflexion ou soit de la prise de risque.

Être indécis est normal, si seulement cela reste dans les limites de l’acceptable humain. Alors, ne vous méprenez pas sur les situations car bien que toutes uniques, certaines vous taquineront pour savoir si vous êtes vraiment un chef (autorité), un sage (réflexion) et un gagneur (prise de risque).

Maintenant que l’essentiel est dit, il ne vous reste plus qu’à observer comment vous vous comportez et de faire en sorte de corriger les dérives naturelles qui arrivent quand la force et l’énergie commencent à vous manquer. Rappelez-vous, même quand il dort, le chef a toujours l’œil ouvert !

Laurent DUREAU

Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 8 mai 2008 et réactualisé sur le blog 345D le 26 février 2012.

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