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Et si ma tante en avait ?

 tanteIl est des choses sous-entendues que l’on pense acquises par la majorité d’entre nous. Or, qu’en est-il exactement ? Des fois, à l’image de ce titre, on peut sourire que quelqu’un ne sache pas. Je serais personnellement heureux de savoir combien de Français et Française seraient capables (en %) de me donner l’idée cachée derrière ce titre.

Eh bien, il en est de même, et surtout, dans la discipline du management. Expérience à l’appui, tout le monde pense savoir donner la définition d’une entreprise. Or, dans 9 cas sur 10, la réponse est incomplète. Alors avant de lire la suite, pourriez-vous dire, en 1 ou 2 phrases au maximum, ce qu’est une entreprise avant d’aller lire la suite ?

Non, je ne vais pas vous donner la définition dès maintenant car cela serait trop facile, et, deuxièmement, si je vous repose la même question dans quelques temps, on sera probablement revenu à la case départ.

Pour pouvoir mieux répondre à la question, il est intéressant de s’en poser d’autres avant, comme par exemple :

A quoi sert une entreprise ?

  • A donner du travail aux gens
  • A fabriquer un produit ou service
  • A démontrer la capacité d’un individu à la créer
  • A créer un tissu social et économique

Quelle est la finalité d’une entreprise ?

  • A payer des impôts
  • A donner du travail aux gens
  • A faire des bénéfices
  • A enrichir les actionnaires
  • A enrichir les patrons
  • A exploiter la main d’œuvre
  • A exploiter des matériaux qui rentrent dans la composition de ses produits ou services
  • A répondre à un besoin du marché
  • A lever des fonds
  • A innover
  • A tuer tous les concurrents pour finir à être la seule

J’oublie certainement plein d’arguments et comme chacun a sa paire de lunette, la définition de l’entreprise risque d’être longue et olé olé avant d’arriver à un consensus castrateur. Comme je vous le disais précédemment, la définition de l’entreprise est loin d’être unique, pourtant tout le monde sait ce qu’est une entreprise n’est-ce pas ?

Pour l’élu, c’est des impôts locaux et des taxes de toutes sortes. Idem pour l’État et pour tous les organismes sociaux. Pour les syndicalistes, c’est le droit au travail, aux congés, aux bons salaires, etc. sans parler des versions politiques. Et puis, la vision d’un salarié ne sera pas vraiment la même que son patron ou celle d’un fond de pension.

Mise à toutes les sauces, la définition de l’entreprise est toujours tronquée par la position dans laquelle nous nous trouvons. Alors revenons aux basiques car ils sont trop souvent oubliés au détriment des effets secondaires et tertiaires retenus par chacun.

1 – Une entreprise n’existe que parce qu’elle répond à un besoin du marché. S’il n’y a pas demande, sa raison d’être disparait. Donc, le postulat n°1 est : Une entreprise doit répondre à une demande/besoin du marché réel et effectif.

2 – Si elle arrive trop tôt sur un marché immature, elle essuiera les plâtres et statistiquement mourra aussi vite qu’elle est née (le temps de dilapider le capital de départ). Si elle arrive trop tard, sa vie sera dure car nombre de concurrents seront déjà dans la place. Le postulat n°2 est donc : Son produit/service doit être délivrable au bon moment à un prix accepté par le marché.

3 – Si elle veut délivrer son produit/service, il lui faudra trouver des matériaux/fournisseurs d’une manière stable et sécurisée. Donc postulat n°3 : Il lui faut maîtriser ses approvisionnements.

4 – Pour fabriquer ses produits/services, il lui faudra mettre en place un process de fabrication (terrain et machines/bureaux). Postulat n°4 : Il lui faut investir dans un process de fabrication pour élaborer son produit/service.

5 – Tout ne fonctionnant pas tout seul, l’entreprise fera appel à de la Main d’Oeuvre qualifiée selon ses besoins. Postulat n°5 : L’entreprise a besoin de main d’oeuvre pour fonctionner.

6 – L’organisation de la MO avec le process de fabrication/délivrance des produits/services demande de mettre en place une structure organisationnelle avec un personnel adapté (cadre et direction). Postulat n°6 : Il faut un encadrement compétent.

7 – Pour survivre (et donc engranger des bénéfices), l’entreprise devra s’adapter afin de conserver des marges suffisantes à satisfaire ses besoins internes de fonctionnement mais surtout à payer le loyer de l’argent mis au pot par les actionnaires. Postulat n°7 : L’entreprise doit faire un maximum de bénéfice.

Cela peut vous paraitre très scolaire et un peu lapidaire mais n’empêche aucunement que cela soit vrai. Je peux donc m’aventurer à formuler la définition basique suivante d’une entreprise.

Une entreprise est une entité morale ayant pour objectif de répondre à un besoin du marché existant tout en dégageant un maximum de bénéfices. Pour cela, elle s’assurera de disposer d’une organisation interne permettant la meilleure exploitation possible des moyens financiers, matériels et humains.

Cela étant dit, vous pouvez rajouter tout le reste (le social, les impôts, les taxes et l’environnement) pour vous faire plaisir. Si ces derniers sont toujours à la traine, c’est parce que tout simplement ils ne rentrent pas dans l’équation première de l’entreprise.

Alors, ne soyez pas choqué des dividendes versés aux actionnaires, de l’exploitation abusive des ressources autant matérielles qu’ humaines, de la fuite là où les taxes et les hommes sont les moins chers, d’un certain manque d’éthique et de civisme pour ne pas aborder le volet social, et enfin de l’impact environnemental de ses activités qui sont largement ignorés.

J’admets que cela est brut de fonderie et que cela peut heurter les âmes sensibles, mais c’est ce que globalement l’ère industrielle nous a apporté: le progrès dont nous sommes si fiers, nous les civilisés des pays riches, c’est-à-dire de ceux qui ont le mieux joué à ce jeu-là.

Bien sûr, à force de grèves, et tutti quanti, notre sort s’est amélioré matériellement pour la majorité d’entre-nous, mais combien de forces y avons-nous laissées ?

Aujourd’hui, par la mondialisation, nous prenons pleinement conscience des effets dévastateurs de cette logique « matérielle » de la civilisation occidentale. Alors, entrepreneur, es-tu toujours prêt à te lancer dans l’arène ? Penses-tu que cela vaille vraiment la peine afin de t’acheter des tongues, une porsche et aller te faire bronzer sur une plage à l’autre bout du monde ?

Où peut-être préfèrerais-tu une activité qui soit en rapport avec un monde meilleur, basé beaucoup plus sur l’éthique et l’humain que sur l’accès à une richesse qui est au détriment de l’humanité.

Oui, je l’avoue, j’apprécie énormément les entrepreneurs car grâce à eux le monde change. Mais ma sympathie va plutôt largement à ceux qui œuvrent pour le bien collectif et avec humilité sans être des prédateurs. Pour les autres, je croise les doigts et j’espère qu’un jour ils réaliseront que l’argent n’est qu’une composante du bonheur et non une finalité en soi.

Laurent DUREAU

Article paru à l’origine sur le blog Booster Votre Influence le 27 juillet 2007 et réactualisé sur le blog 345D le 21 février 2012.

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